Heureux les blêmes noyés balancés par la houle !
Les vers ne les lardent pas dans un cercueil obscur...
Leurs poumons sont délivrés de leurs miasmes impurs
De sépulcres où l'humeur et la sanie s'écoule...
Ho ! Verdâtres naufragés aux fonds où le flot roule,
En marge de votre vie quand le deleatur
Point soudain, vous n'allez pas gésir sous le sol dur,
Sous la terre sale et triste où va creusant la goule...
L'ardente étreinte à huit bras du poulpe vous enivre,
Et gagnés par la douceur de l'eau, de ne plus vivre,
Vous riez à grandes dents, arrondis par l'orgueil
D'aimer aux abîmes gris le corps froid des sirènes,
L'or des soleils engloutis par la mer souveraine...
Elle - rit et montre aussi les dents de ses écueils.
Boris Vian, Cents Sonnets 1944